Robert Badinter : L’humanisme en héritage

Le 9 octobre est une date essentielle dans notre histoire républicaine : c’est le jour où, en 1981, la France a aboli la peine de mort. Cette année, cette commémoration prend une résonance particulière : Robert Badinter, artisan de cette avancée majeure, entre au Panthéon.

Rezé Citoyenne souhaite rappeler la conception exigeante de la justice que nous devons avoir : celle qui refuse la vengeance et choisit la dignité humaine comme boussole, même quand la peur domine. Robert Badinter répétait souvent que « la justice ne doit pas tuer » et que la grandeur d’une République se mesure aussi à la manière dont elle traite celles et ceux qu’elle met à l’écart.

Rappelons tout d’abord que le combat abolitionniste ne commence pas en 1981. Entre 1906 et 1908, une première grande tentative d’abolition fut portée par le président Armand Fallières. Le contexte semblait favorable jusqu’à « l’affaire Soleilland », un fait divers tragique qui a bouleversé l’opinion publique et provoqué un retournement brutal. Sous la pression émotionnelle et médiatique, menée notamment par le journal de l’époque Le Petit Parisien, le projet fut abandonné.

Cet épisode montre à quel point une société peut basculer sous le coup de l’émotion. Ce qui semblait acquis peut s’effondrer dès que la peur reprend le dessus. Ce qui avait été envisagé en 1906 n’a pu se concrétiser qu’en 1981, grâce à la détermination politique de Robert Badinter, envers et contre l’opinion dominante.

L’humanisme comme boussole politique

Aujourd’hui, le combat mené par Robert Badinter trouve un écho singulier. Dans le débat public, certains responsables politiques reprennent des logiques d’exclusion que l’on croyait révolues. Ainsi, depuis des décennies, l’extrême droite dont le Rassemblement National en tête, défend une vision qui hiérarchise les droits selon l’origine : « priorité nationale », remise en cause du droit du sol, restrictions au regroupement familial… autant de positions qui rompent avec l’universalisme républicain. Dans un registre différent mais convergent, une partie de la droite, à l’image de Bruno Retailleau, érige aujourd’hui l’expulsion et le durcissement des politiques migratoires en symbole d’efficacité.

Ces prises de position s’inscrivent dans une tradition bien connue en France : celle qui, au lieu de répondre aux problèmes, érige le rejet en solution, sans traiter les causes profondes – la pauvreté, le manque de logement et l’insuffisance des moyens d’accompagnement social.

Fidélité aux valeurs

Face à ces politiques d’exclusion, l’héritage de Robert Badinter apparaît comme un repère solide. Il nous rappelle que la valeur d’une République ne se mesure pas à la dureté de ses réponses, mais à sa capacité à défendre ses principes et à protéger les plus fragiles, même lorsque le climat politique se durcit.

De 1906 à 1981, de l’émotion collective aux choix courageux, cette histoire nous invite à ne pas baisser la garde. La dignité et la solidarité ne vont jamais de soi : elles doivent être défendues à chaque génération, dans nos institutions comme dans nos vies quotidiennes.
À Rezé comme ailleurs, nous gardons en mémoire ce combat avec gratitude et vigilance, conscients que l’humanisme est une conquête toujours à recommencer.

« Demain, grâce à vous, la justice française ne sera plus une justice qui tue.
Demain, il n’y aura plus, au nom du peuple français, d’hommes suppliciés.
Demain, la guillotine aura disparu. La République, enfin, pourra proclamer hautement que la peine de mort n’est pas nécessaire pour que justice soit rendue. »
Robert Badinter, 17 septembre 1981, Assemblée nationale