Rezé Citoyenne en dialogue sur l’histoire locale

Michel Kervarec a été président de la Société des Amis de Rezé de 1985 à l'assemblée générale de 2019, alimentant en articles les 85 bulletins jusque là publiés. Il a écrit plusieurs ouvrages dont certains sur l'histoire de la ville de Rezé ainsi que de nombreux articles d'histoire locale :« Rezé pendant la Révolution et l'Empire », « Rezé au 19ème siècle », « Terroir et Moyen-Âge au pays nantais », « Histoire de l'Ecole régionale des beaux-arts de Nantes 1757-1968 »...
Michel Kervarec en dialogue sur l’histoire locale

Comment s’est créée l’Association des Amis de Rezé ?

« La sociéte des Amis de Rezé est née d’une initiative de la ville de Rezé en 1978, Jacques Floch étant maire et Gilles Retière adjoint à la culture. J’avais 40 ans. »

Un Groupe de Recherches sur l’histoire de Rezé fut fondé.

Je décidai d’écrire Rezé pendant la Révolution et l’Empire, paru en 1982, sous l’égide de ce Groupe de Recherches, l’éditeur étant l’Office municipal d’information de la Ville de Rezé. La même année, il se transforma en Société des Amis de Rezé. L’objet de l’association étant « la recherche, la protection et la conservation de tout ce qui touche au patrimoine historique, artistique et ethnographique de Rezé, indépendamment de tous groupes politiques, philosophique ou religieux. »

Le premier bulletin de la « Société » parut en février 1984. C’était un bulletin de liaison, diffusé aux adhérents pour les informer des activités.

Des conférences sont organisées conjointement par le Maison de retraite Saint Paul, Rezé Seniors et la Société des Amis de Rezé, la 14ème saison ayant été suspendue par la pandémie.

Nous intervenons aussi dans les écoles et participons à des manifestations extérieures : le Forum des associations, les Journées du Patrimoine, et autrefois, la fête du Quai Léon Sécher, qui était le point fort de l’année. Nous avons beaucoup perdu en diffusion de livres et bulletins ainsi qu’en adhésions nouvelles avec sa disparition.

Qu’en est-il de la préservation du patrimoine ?

« En plus de la recherche et de l’écriture, nous nous fixions pour but de veiller à la préservation du patrimoine, surtout du site gallo-romain de Ratiatum (origine de Rezé) encore peu fouillé. La ville racheta les terres concernées pour permettre aux archéologues de fouiller. Sur le site existe une chapelle, dédiée à Saint Lupien et réputée être du 15è siècle, mais dont l’origine remonte au très haut Moyen-Âge (5è siècle), avec un bâtiment en retour, reste d’un prieuré médiéval.
Les fouilles ont révélé des sarcophages mérovingiens et, plus profondément, de remarquables murs gallo-romains que l’on suppose être ceux de thermes. Nous travaillâmes donc en lien direct avec la municipalité et, comme celle-ci avait le souci de l’utilisation de ces bâtiments, une fois restaurés, nous préconisâmes la création d’un musée qui soit à la fois consacré à l’histoire locale et à l’archéologie.
J’allai présenter à la municipalité un schéma d’aménagement de tout le site en espace protégé. Les services techniques suivirent mes propositions pour les façades du prieuré.

Lors d’une visite au château de la Balinière, chez madame Bénard, celle-ci m’avait appris que ses héritiers voulaient raser le dit château et faire une opération immobilière sur le terrain ainsi dégagé. Elle préférait céder son château à la ville plutôt que d’accepter cette issue. Le château survivrait et ceci dans le domaine public.
Certains élus rezéens voulaient y transfèrer le musée que nous souhaitions voir à Saint-Lupien. Pour ma part, je connaissais les gros problèmes posés à l’école de musique et je préconisais l’installation de l’école dans l’ensemble des bâtiments. C’est le point de vue qui devait prévaloir, mais il s’écoula des années avant qu’il ne puisse être mené à bien.

En 1987, arriva sur ma table un dossier particulier (étant alors dessinateur en bureau d’études béton), la nouvelle mairie de Rezé. À l’époque, nous faisions encore calculs et dessins à la main et je ne pouvais faire çà tout seul, ce d’autant plus que l’entreprise avait décidé de tout préfabriquer, ce qui m’obligeait à donner les dimensions précises de tous les éléments, soit un travail colossal de trigonométrie comme je n’en avais jamais fait. L’architecte Anselmi s’opposait à ce que l’on crée des poutres transversales dans le grand escalier. Il fallut donc faire une « gymnastique » dans les fondations.

Rezé abritait une « folie » comparable à la Balinière: la Classerie. Elle appartenait à une congrégation lyonnaise et hébergeait une école d’éducateurs. Finalement, par étapes, elle allait finir par devenir propriété de la ville. Le bois de la Classerie avait été acquis bien avant. Dés les débuts de son existence, l’association des Amis de Rezé avait milité pour la préservation d’espaces verts dont celui-ci, qui montre de très beaux arbres.
La mise en valeur de la vallée de la Jaguère par une promenade était une autre de ces revendications primitives, elle aussi exaucée. L’aménagement du parc de la Morinière avec conservation de la remarquable cheminée a comblé nos vœux.

Le manoir de la Bauche-Thiraud devait disparaître pour faire place au centre commercial Océane. L’architecte avait pensé me consoler en m’annonçant que l’orangerie serait préservée et intégrée au site. Pour être intégrée, l’orangerie a bien été intégrée…dans la galerie marchande. Lorsque j’ai découvert une telle monstruosité architecturale, j’en suis resté muet.
La pression immobilière est telle à Rezé que j’ai toujours peur que l’on manque de vigilance et, même si la maison du Jaunais est en principe protégée, je crains qu’un jour on ne voit le dernier et remarquable pressoir à long fût de Rezé être débité comme les charpentes de la Bauche-Thiraud.

Le site de Praud a été et reste un problème, le « château » de Praud et sa chapelle néo-gothique, sont des constructions de la moitié du 19è siècle. La ville s’en est rendue propriétaire mais, faute de destination, les lieux, inoccupés, ont été soumis à un vandalisme total puisque, dans la bâtisse, il ne reste plus une cloison debout. Il a fallut murer les ouvertures. L’avenir de ces constructions est donc très incertain.

La clinique Saint-Paul, elle, a disparu. Seule la chapelle méritait d’être préservée. Mais, on décida de tout raser. Les vitraux et la cloche furent récupérés.
La presse a fait état des tentatives de sauvetage de la chapelle menée par l’association des Amis de Rezé, ce qui m’a valu de recevoir plusieurs bénédictions, dont celle d’un ancien aumônier de la clinique. D’autres personnes ne comprennent pas vraiment notre démarche, pensant que l’on contribue à maintenir l’emprise cléricale. Mais, nous ne faisons que tenter de protéger notre patrimoine à tous. Ainsi, nous espérons que l’église Saint-Pierre finira par retrouver ses vitraux, démontés et stockés dans un coin depuis des années, ceci parce que leur place est dans les ouvertures prévues pour les recevoir.

La ville de Rezé a fait un inventaire du patrimoine bâti et nous y avons contribué, mais il reste sans doute encore à faire pour l’Histoire.

En visite dans les écoles

L’association des Amis de Rezé a aussi vocation à aller dans les écoles animer les cours des enseignants, mais ça n’a été que très ponctuel, malheureusement. Pour ma part, il m’arriva d’aller dans l’enseignement supérieur, en l’occurrence à l’Ecole d’architecture, pour parler aux élèves de 1ère année du vieux cadastre rezéen et des nombreuses informations que peut nous donner une étude attentive.

Je suis aussi allé au collège de la Petite-Lande et dans deux écoles primaires, à Ragon et à l’Ouche-Dinier. De cette dernière, je garde un souvenir inoubliable.

Deux institutrices de CE2 et CM1 avaient mis leurs classes ensemble pour traiter d’un seul thème, la trace du Moyen-Âge dans leur quartier, ceci à la suite de la lecture de mon ouvrage : Terroir et Moyen-Âge au Pays nantais, centré sur Rezé.

La Ville avait acquis un fond archivistique important, soit plusieurs dizaines de documents datés des 15è et 16è siècles. Il se trouve que beaucoup de ces actes concernaient le secteur de la Blordière, l’Ouche-Dinier. Je photocopiais les meilleurs et allais à l’Ouche-Dinier répondre aux questions des élèves après présentation.

Mon intervention devait se terminer avec la première récréation mais trois gamines vinrent me voir pour essayer de déchiffrer les textes en écriture gothique. Elles se débrouillaient d’ailleurs très bien. Une quatrième fillette se tenait en retrait, attendant manifestement que ses copines soient parties. Quand ceci fut fait, elle vint vers moi et me dit : « Monsieur, je voulais vous dire, c’est drôlement bien ce que vous nous avez dit tout à l’heure. »

Quel bonheur intense que cette déclaration m’a apporté ! Je suis maintenant certain que cette petite fille, devenue femme, a gardé un grand intérêt pour l’Histoire.

Finalement, ce jour là, j’ai passé toute la matinée à l’école et je suis revenu la semaine suivante à la demande des institutrices. Pendant mes interventions, un animateur en milieu scolaire prenait des notes pour faire travailler les élèves sur la question le reste de l’année, laquelle se termina avec une exposition en rapport. Je regrette de n’être pas intervenu plus souvent en milieu scolaire.