Rezé Citoyenne en dialogue sur l'économie sociale et solidaire

Entretien avec JEAN-PHILIPPE MAGNEN, psychothérapeute, accompagnateur du changement dans les collectivités, les institutions et les entreprises. Élu écologiste de Nantes et de l'agglomération pendant 13 ans, en charge de l'économie sociale et solidaire. Vice-président de la région en charge de l'emploi et de la formation professionnelle de 2010 à 2015.

Pourriez vous définir ce qui caractérise l’économie sociale et solidaire (ESS) ?

C’est une économie socialement utile, coopérative et ancrée localement. L’économie sociale et solidaire (ESS) représente des milliers d’entreprises très diverses dans leurs réalités, qui partagent des caractéristiques essentielles : un projet économique au service de l’utilité sociale, une mise en œuvre éthique, une gouvernance démocratique et une dynamique de développement fondée sur un ancrage territorial et une mobilisation citoyenne. En ce sens, elle est une économie de liens plus que de biens, s’appuie sur une mixité des sphères publique, privée et du bénévolat et redonne un pouvoir d’action au citoyen dans son quotidien .
On peut aussi la définir comme une économie de circuits courts, car elle est dans une proximité géographique et relationnelle et réduit les intermédiaires entre le producteur et le consommateur.

jp magnen

Quel rôle peuvent jouer les collectivités pour soutenir l’ESS, et en quoi est-ce important ?

L’économie sociale et solidaire est un modèle économique à part entière, apportant par sa nature et ses caractéristiques des réponses aux besoins des territoires.
Depuis une quinzaine d’années, les collectivités locales ont pris en main le développement de cette économie, qui s’ancre avant tout sur les territoires.

Par ses domaines d’activités, ses modes de faire et ses valeurs, l’ESS croise en effet la mission d’intérêt général et les différentes compétences des collectivités : développement économique bien sûr, mais aussi petite enfance, transport, tourisme, culture, innovation, recherche, santé, logement…
Les collectivités peuvent aider l’économie sociale et solidaire de différentes façons :

  • par des aides directes (subventions, appel à projets…)
  • par la commande publique responsable (introduction et application de nouvelles clauses sociales et environnementales dans les marchés publics)
  • par l’accompagnement à la structuration des acteurs de l’ESS (création de lieux d’hébergement mutualisé – pôle ou plate-formes -, appui de structures de financements solidaires, soutien à des filières économiques spécifiques…)
  • par l’implication directe de la collectivité (ex : prise de parts dans une société coopérative d’intérêt collectif).

En tant qu’élu, vous avez participé activement à l’évolution de la place de l’ESS à Nantes et dans l’agglomération, pourriez vous nous en dire quelques mots ?

Dès 2001, avec le soutien de la ville de Nantes et de la métropole, avec des acteurs de l’agglomération nantaise, j’ai impulsé la première politique publique de l’ESS de notre territoire par la création d’inter-réseaux puis des Écossolies, réseau d’acteurs de l’économie sociale et solidaire qui rassemble, en majorité, des salariés, des coopératives, des structures d’insertion, des mutuelles et des associations. Son action s’appuyait sur une organisation par secteurs d’activité : loisirs, sports et tourisme, consommation responsable, solidarité internationale, environnement, services aux personnes et services de proximité, diversités culturelles, acteurs des quartiers, entreprendre autrement, emploi et insertion. En 2006, nous avons organisé un grand événement en bords de Loire à Nantes, Les Écossolies : trois jours de fête ont permis à 30 000 visiteurs et 570 structures de se rencontrer autour des valeurs, des services et des produits proposés par l’ESS. Dans la lignée de la création des Écossolies, j’ai aussi piloté politiquement la création du Solilab, véritable « phare » aujourd’hui sur la métropole, espace d’expérimentations, laboratoire d’innovations sociales et environnementales, tiers-lieu, et point d’ancrage où se rencontrent et coopèrent les acteurs de l’ESS. Le Solilab est aux portes de Rezé…

Et plus spécifiquement, sur Rezé …

L’ESS est aussi une économie de la transition écologique. Sur le territoire de la ville de Rezé, nous pouvons sérier deux axes forts liés à la transition écologique.
Tout d’abord, sur le volet de la réduction des déchets dans la métropole, j’ai piloté en 2004 la création de la « Ressourcerie de l’île », structure de réemploi des déchets, encombrants notamment. Il s’agissait pour nous, d’accompagner les structures de l’ESS prêtes à porter ce genre de projet en lien avec des besoins d’évolution de la politique publique de gestion des déchets de la métropole. La Ressourcerie de l’île en est une structure emblématique !
Puis, les collectivités et les citoyens peuvent aussi agir sur le volet des circuits courts, pour l’alimentation et les produits du quotidien, par exemple. A Rezé, le projet de Scopéli, supermarché coopératif, en est un bel exemple. Initiée par des citoyens, cette démarche participe de la promotion des produits locaux, sans intermédiaires. Mais pas seulement ! Elle favorise les produits issus d’une démarche respectueuse de l’humain et de l’environnement, en donnant la priorité à des produits durables issus d’échanges équitables. Elle s’inscrit dans l’économie sociale et solidaire, qui tient compte de la nécessité de réduire l’empreinte carbone. Chaque initiative compte … Nous pourrions aussi évoquer le magasin Colegram, récemment installé dans le quartier Pont Rousseau, boutique qui met l’accent sur le zéro déchet. La ville a son rôle à jouer dans l’accompagnement et l’implantation de ces nouvelles structures, commerçantes et éthiques par des aides directes mais aussi en libérant et en affectant du foncier disponible (via la métropole dont c’est la compétence) pour accueillir ces projets de développement économique local.

Vous qui avez rendu un rapport interministériel sur l’état des lieux des monnaies locales en France en 2015, pourriez vous nous en dire quelques mots ?

La monnaie locale complémentaire ou MLC est une monnaie parallèle qui ne provient pas du gouvernement et qui a pour usage unique d’être échangée dans une zone géographique déterminée. Elle est utilisée en complément de la monnaie nationale.
Les objectifs de cette monnaie sont de répondre aux principes de l’économie sociale et solidaire (ESS), d’améliorer le dynamisme de l’économie locale, d’améliorer le lien social avec une certaine éthique, et enfin, de ne pas avoir recourt à la spéculation.
Soutenir une monnaie locale, c’est soutenir une économie 100 % réelle, et redonner du sens à l’échange monétaire. À Rezé, vous avez le Retz’L, la monnaie locale du pays de Retz. Elle fut une des premières monnaies locales à se mettre en place dans la région en 2012.

Et pour conclure …

L’ESS se situe au cœur du lien entre écologie et économie. Je trouve que c’est un vrai plus pour Rezé, et pour la démocratie rezéenne, qu’il existe des listes écologiques et citoyennes en lice pour les municipales !