Rezé citoyenne en dialogue sur le commerce de proximité

DE L'IMPORTANCE DE SOUTENIR L'IMPLANTATION DE COMMERCES DE PROXIMITÉ À REZÉ, POUR FAVORISER LE LIEN SOCIAL, DYNAMISER LES QUARTIERS, ET ACCOMPAGNER LES INITIATIVES SOLIDAIRES. ENTRETIEN AVEC VIRGINIE POISSON, RESTAURATRICE, ET FOCUS SUR L'ASSOCIATION "LE CARILLON"

Après 25 ans comme serveuse en restauration et bar, Virginie Poisson devient associée d’un établissement quartier Cathédrale, à Nantes, puis se forme à la cuisine. Elle reprend, en 2012, le « restaurant les Isles », à Rezé, quartier haute-île.

Pourquoi reprendre un restaurant de quartier, hors du centre ville nantais ?

S’inscrire dans un projet comme celui-ci est un engagement sur la durée. Dans un quartier, l’ancrage local est fort, on s’attache à tisser des liens de proximité, à s’investir dans un territoire et à en connaître les contours.
Je suis rezéenne depuis plus de 15 ans, j’avais envie de travailler autrement. Le lien qui se crée avec les « clients » n’est pas le même qu’en centre ville : non seulement ce sont des clients, mais aussi des voisins que l’on croise dans notre quotidien. Quand une nouvelle tête franchit notre porte, on discute facilement. Bien souvent, ce sont des personnes qui vivent dans le coin, ou qui y travaillent.

Ici, pas d’anonymat ! On y recherche avant tout la sensation d’être « comme à la maison ». Tout le monde se salue, discute un jour ou l’autre. Nous avons la chance d’avoir une clientèle diversifiée. On croise fréquemment des ouvriers, des employés ou des cadres des entreprises locales, des voisins, des médecins et infirmières des Nouvelles Cliniques Nantaises, du personnel de la mairie… Cette mixité est une richesse. Je retrouve le rôle premier d’un bistro de quartier, où se décloisonnent volontiers les différentes classes sociales, les multiples corps de métiers qui gravitent autour du lieu, toutes générations confondues.

Devenir propriétaire d’un restaurant comme le nôtre nous a aussi permis d’élargir notre champ d’action. Il est plus facile d’accueillir des associations qui portent des valeurs faisant sens pour nous : Nous avons travaillé avec « Les Nomades » (bibliothèque de vêtements, garde-robe illimitée et écologique, économique et solidaire, basée sur l’échange matériel et humain), le « Carillon » (réseau de commerçants solidaires, voir encart) ; nous avons accueilli plusieurs années un marché de créateurs d’artisanat local… Les projets ne manquent pas ! Et ici, ces initiatives trouvent un écho important parmi notre clientèle.

Les liens ont ils perduré pendant le confinement ?

La richesse de cette proximité a été encore plus flagrante pendant le confinement. Nous avons mis en place la vente à emporter dès le 16 mars. Les habitants du quartier venaient régulièrement s’offrir un petit plat « made in restaurant », comme un petit plaisir que l’on s’octroie dans une période difficile. Bien souvent, les gens se croisaient sur le perron, se donnaient des nouvelles les uns les autres. Ces rencontres fortuites ont aussi permis de faire jouer la solidarité, de rendre service aux personnes fragilisées par la crise, d’échanger sur le suivi de nos enfants… Nous avons livré des repas aux nouvelles cliniques, et à d’autres entreprises locales. Pourquoi avons nous été les seuls à mettre en place la vente à emporter ? Je ne me l’explique pas… car cela a non seulement permis de maintenir le lien entre les habitants, mais nous a maintenu à flot économiquement !

Comment vivez vous la réouverture progressive des bars et restaurants ?

La vraie difficulté, c’est maintenant qu’elle se vit… Ici, nous avons fait le choix de ne pas rouvrir « normalement ». Mesures sanitaires et convivialité ne font pas bon ménage. Quand on travaille autant en bar qu’en restauration pure, la distanciation, le sens de circulation, les masques, c’est un casse-tête permanent ! Nous ne nous y retrouverions pas, et nos clients non plus.

Nous avons choisi de rouvrir uniquement les jeudis et vendredis soir. Mais la clientèle ne se bouscule pas. On a beaucoup parlé dans les médias de la nécessité de sauver la restauration en rouvrant rapidement. Et pourtant, c’était trop tôt… La population ne sort pas indemne de cette période. Il faut du temps. Les gens sont encore pour partie en télétravail, la situation n’est pas encore redevenue « comme avant ».

Économiquement, cette période de transition est beaucoup plus problématique pour nous que la période de confinement. Pour des petites entreprises comme la nôtre, l’équilibre financier est fragile : quand tout va bien, nous pouvons honorer nos charges, payer les salaires, répondre aux petits soucis usuels, mais guère plus. Nous n’avons pas la trésorerie nécessaire pour pallier aux situations exceptionnelles. Aujourd’hui, nous restons attentifs à l’évolution des contraintes sanitaires. Nous avons hâte de réactiver nos liens, et de reprendre notre programmation musicale et nos projets en cours !

FOCUS SUR « LE CARILLON », UN PROGRAMME DE « LA CLOCHE » : RÉSEAU DE COMMERÇANTS SOLIDAIRES.

Agir, aider les autres, être solidaire … tout cela peut se faire en bas de chez soi. Un commerçant signale sa solidarité par un label sur sa vitrine ; la personne dans le besoin se sait la bienvenue dans ce commerce ; il y a cet échange de service qui facilite la vie et surtout, il y a cet échange humain qui valorise aussi bien le commerçant que la personne en situation de précarité.
Un citoyen peut également décider de consommer solidaire en pré-payant des produits en attente, à l’image du concept du “café suspendu”. Ces actions du quotidien s’attachent à rendre la société plus inclusive.
Ces services changent le quotidien des personnes à la rue et leur donnent le courage de continuer à avancer et essayer de sortir de la précarité. Ce qui a le plus d’impact dans ce mécanisme, c’est la relation de confiance qui se crée entre les commerçants, les personnes à la rue et les habitants.
Tout d’abord réservé aux commerçants nantais, cette possibilité est aujourd’hui offerte aux commerçants rezéens. Quelques uns d’entre eux y adhèrent déjà. Chaque commerçant s’engage à mettre à disposition de ceux qui en ont besoin dix « bons pour une boisson chaude » par mois. Ce sont les clients qui s’impliquent pour fournir les autres « café en attente ». L’association fournit aussi à chaque établissement des kits d’hygiène pour hommes et femmes, des savons… La réalité montre qu’au-delà des boissons chaudes, quand une relation de confiance s’instaure entre le restaurateur et les bénéficiaires, ceux-ci n’hésitent pas à offrir la nourriture restante en fin de service.
Pendant le confinement, une partie du monde de l’insertion était à l’arrêt, les centres d’accueil étaient fermés. L’information avait du mal à passer. A Rezé, pour l’instant, cela fonctionne moins qu’en centre ville. Mais la communication va reprendre !