Rezé Citoyenne en dialogue sur la culture de proximité avec Manou
Vous êtes Rezéen, et aussi très souvent sur les routes de France en tournée avec Elmer Food Beat …
Oui, je vis à Rezé depuis 25 ans. A l’époque, Jacques Floch en était le maire.
Avec EFB, nous sillonnons les routes de France, et nous avons l’occasion de jouer dans de nombreuses villes ou villages, en milieu rural ou urbain, en festival ou en salles de spectacle … Le plus souvent cependant, nous sommes demandés par des municipalités pour participer à des évènements organisés pour les habitants de la commune et alentours, à l’occasion de fêtes marquantes. Il s’agit là de rassemblements populaires, où les collectivités souhaitent offrir des spectacles de qualité, et fédérateurs. Il y a peu de temps, nous jouions dans un petit village, pour un évènement organisé par une école, en partenariat avec la ville, et qui se déroulait dans la cour de l’école. Le contexte semble improbable ! Et pourtant, le soir, quand nous avons démarré, l’espace était noir de monde, et l’ambiance survoltée… Les soirées musicales et festives ne sont pas l’apanage des grandes villes ! Nous le constatons très régulièrement.
Depuis 25 ans, vous devez avoir quelques souvenirs de moments culturels et festifs à Rezé !
Oui, bien sûr … J’ai de jolis souvenirs autour de la Barakason, quand elle était encore une MJC. A l’époque, c’était un lieu de rassemblement, entre musiciens, public, bénévoles … La jeunesse avait son lieu, et de nombreuses rencontres, autant amicales que professionnelles, s’y sont créées. C’était les balbutiements musicaux de notre génération. Cette salle a tout d’un espace dédié aux artistes en développement, le bar est convivial et assez grand pour y accueillir des petits groupes, des rencontres autour de la musique, et la salle de spectacle a tout d’une grande. Il me semble qu’aujourd’hui, elle n’est pas suffisamment exploitée comme « plaque tournante » d’une culture de proximité, soutien d’artistes locaux en développement. Une ville comme Rezé a son rôle à jouer dans l’accompagnement des artistes émergents.
Quelle vision avez vous de la musique vivante à Rezé ?
Même si les choses avancent, je trouve que l’évolution des lieux dédiés au spectacle vivant, autre qu’institutionnels je veux dire, ne suit pas celle de la démographie rezéenne … Aujourd’hui, quand on « sort », on dit encore « je sors à Nantes » ! Même si ces dernières années, quelques lieux comme Le Petit Café, le Guet’à Pinte, la Loko », le Canon à Pat’ ou le Resto des Isles (j’en oublie sûrement) sont apparus dans le vocabulaire de sortie des Rezéens. Et c’est tant mieux ! Les cafés concerts manquaient dans notre ville… Avec 41000 habitant.e.s, on doit pouvoir proposer un choix conséquent de lieux de sortie de proximité, et non seulement pour le plaisir d’écouter des groupes sympas. Ces lieux sont vecteurs de lien social, de solidarité, et de mixité. A la ville de Rezé de s’emparer du sujet. La municipalité peut aider à l’installation de ce genre de lieux pluriels, polyactivités et intergénérationnels…
Il existe quelques festivals à Rezé…
Oui, les évènements rezéens sont riches et intéressants, surtout quand ils sont encrés dans un territoire : je pense à la Fête du quai Léon Sécher, aux Fanfaronnades, au festival l’Ère de rien, au Rendez-vous des Agités d’la cale, aux instants du monde… Mais malgré tout, je trouve que culture institutionnelle et culture privée, associative, ne se mélangent pas assez. La culture se doit de repousser les frontières, d’ouvrir les portes. A l’image des Vendredis de la Balinière, qui proposent des concerts gratuits de groupes de tout genre, au sein de l’école de musique, les différentes instances culturelles devraient pouvoir faire émerger de nouveaux espaces. S’il existait des lieux de rencontres et d’échanges, les différents acteurs, de la Soufflerie aux associations culturelles, en passant par les cafés concerts, auraient sûrement un fourmillement d’idées ! Il y a quelques années, on a vu s’ouvrir un café-concert rue de la commune, le Bistroy, qui n’a pas perduré. Ce genre de lieu, central et plein de ressources, pourrait être un espace polyvalent pour faire vivre le brassage culturel. A Rezé, les lieux existent, il suffit d’ouvrir l’œil et d’accompagner…
Pour monter de nouveaux projets culturels qui fonctionnent, quels seraient les bases à poser en préalable ?
Quand la structure Trempolino (campus musical & plateforme d’accompagnement) s’est montée à Nantes par exemple, la municipalité avait établi au préalable un diagnostic sur les besoins en musiques actuelles, en consultant un panel d’acteurs culturels : musiciens, institutionnels, encadrants… Et le résultat a été concluant. Trempolino a eu, et a toujours, un rôle déterminant dans l’accompagnement et le dynamisme des musiques actuelles à Nantes. Les nouveaux projets ne peuvent se faire qu’en concertation avec les différents acteurs. Et là, je ne parle pas de nouvelles salles à construire… On voit trop souvent de magnifiques salles sortir de terre dans des lieux qui en ont déjà. Le but n’est pas de plomber les budgets culturels. C’est plutôt l’utilisation des lieux existants qui est à réfléchir, en concertation. Et même pour ce qu’on appelle aujourd’hui les lieux de culture éphémère, ou transitoire, comme Transfert à Rezé… Il me semble qu’avoir l’exigence de travailler de manière plus approfondie en partenariat avec le territoire serait terriblement efficace pour le dynamisme de la ville.
Quel rôle doit jouer la culture dans une ville comme Rezé ?
Quand Jean-Marc Ayrault est devenu maire de Nantes, il est parti du postulat que la culture est le meilleur outil de communication d’une ville, et la suite l’a prouvé … A l’époque, nous, les artistes en tout genre, nous avons suivi ça de très près. On a vu l’évolution de la ville, en parallèle avec celle de la culture, et ce qui a été réalisé à l’époque fût un grand pas pour Nantes. Non seulement pour l’image de la ville, mais aussi pour le sentiment de fierté d’être nantais ! On pourrait rêver cela pour Rezé… La culture, sous toutes ses formes, est un vrai levier d’évolution. Plus il se passe des choses, plus les propositions sont variées, plus on est fiers d’appartenir à un territoire.
Par contre, il existe un danger bien réel : celui d’assécher la culture d’initiative citoyenne, en développant à outrance une culture « municipale ». Il faut être très vigilant, et mesurer les choix budgétaires. Quand une collectivité est force de propositions culturelles, elle se doit aussi de soutenir en parallèle la culture citoyenne. Ce n’est que le mélange des deux qui rassemblera.
Un dernier mot pour clore cet entretien ?
Je regrette la Fête des couleurs, qui rassemblait, fédérait, et portait haut les valeurs de popularité et d’unité rezéenne… A quand son retour ?