Rezé citoyen en dialogue sur l'artisanat local et le développement des circuits courts
Entretien avec Philippe Moreau, brasseur rezéen.
Philippe Moreau a eu deux vies. Après de nombreuses années dans la formation pour adultes, il change radicalement de vie professionnelle, et s’oriente vers la production de bière locale. Depuis plus de quatre ans, Philippe dirige une brasserie bio, la « Philmore », à Rezé, pour répondre à ses convictions de toujours : produire bio, local, réduire l’impact de l’activité sur l’environnement et être au plus près de sa clientèle. Habitant rezéen, Philippe a naturellement choisi de s’implanter sur la commune.
S’inscrire dans une démarche écologique, travailler en circuits courts est-il possible quand on produit de la bière ?
Oui, on y arrive ! L’orge brassicole, par exemple, dont nous avons besoin, il y en a beaucoup en Loire Atlantique… Mais pour nous être utile, il faut qu’elle soit « maltée ». Je travaille pour ça avec une entreprise Vannetaise. C’est l’entreprise la plus proche que j’ai trouvée. Avec quelques brasseurs du Sud-Loire, nous essayons aujourd’hui d’inciter les agriculteurs céréaliers locaux à en produire aussi. Cette nouvelle filière est en plein essor, et pourrait diversifier leurs productions.
Concernant le houblon bio, c’est plus délicat… Il y a une pénurie importante dans la région. Le plus souvent, il vient d’autres pays d’Europe. Bientôt, j’espère pouvoir m’approvisionner auprès d’un producteur de Bourgneuf-en-Retz, Mathieu Cosson, qui s’est lancé dans la culture de houblon bio depuis peu.
Petit à petit, avec d’autres brasseurs, nous essayons de réduire les écarts géographiques pour nos achats de matière première. Cela prend du temps, mais c’est lourd de sens : non seulement on réduit l’empreinte écologique due aux transports, mais cela peut aussi redynamiser le secteur de la production de céréales, et donc avoir une incidence sur l’économie du territoire…
Au-delà des matières premières, quels sont les autres leviers de votre démarche écologique ?
Je travaille aussi sur la valorisation des déchets. Par exemple, une fois le malt travaillé, il reste ce qu’on appelle « la drèche ». C’est un lombriculteur rezéen, Frédéric Bouchereau (« le jardin des vers »), qui la récupère. Il la transforme ensuite en aliments pour poules, et fournit les particuliers propriétaires de composteurs.
Avec l’association « bout à bout » (qui œuvre au réemploi des contenants, bocaux, bouteilles…), je m’inscris aussi dans une chaîne vertueuse de réemploi des bouteilles, avec « Envie 44 » (Nantes), qui en assure la collecte, et « Boutin service » (Clisson) qui gère le lavage. Avec quelques autres brasseurs, nous avons choisi de nous aligner sur le choix de deux bouteilles. C’est plus simple pour les opérations de lavage.
Toutes ces petites actions peuvent paraître des détails… Mais mises bout à bout, elles participent de la cohérence de la démarche.
A quelle clientèle vous adressez-vous ?
Je fournis principalement des cavistes, des restaurateurs, des commerçants issus de « réseau vrac » (association interprofessionnelle de la filière de la vente en vrac), et le supermarché coopératif rezéen « Scopéli », à hauteur de 75 % de ma production. Le reste de la vente s’adresse aux particuliers.
Quand je suis contacté par un client, je suis attentif à sa localisation, toujours dans un souci de limiter les transports. Rien ne sert de produire avec cette démarche si on finit par livrer n’importe où, sans considération pour l’empreinte carbone que l’on laisse derrière nous !
Je réfléchis aussi à la livraison à vélo, même si le problème de la masse et du volume transportés reste un frein.
S’impliquer dans l’artisanat local, bio et éthique, c’est se confronter à la difficulté de l’équilibre économique… La brasserie que je dirige n’a pas vocation à s’agrandir, c’est un choix pleinement assumé. Il nous faut sans doute être plus imaginatif que dans le commerce traditionnel pour trouver l’équilibre !
Qu’attendriez-vous d’une municipalité pour aider des micro-entreprises comme la vôtre à s’implanter sur le territoire ?
Quand on commence, la principale difficulté que l’on rencontre, c’est la recherche de locaux. A fortiori dans un métier comme le nôtre, qui nécessite des locaux spécifiques (points d’eau…). Les coûts sont élevés et, même si c’est une compétence de Nantes Métropole, la ville pourrait sans doute aider à la recherche de lieux adéquats.
La ville pourrait aussi nous informer sur le tissu industriel de la commune, communiquer sur les entreprises existantes sur le territoire.
Quand on commence, on se sent un peu seul, on peine à avoir une vue d’ensemble et à rassembler les éléments d’informations dont on a besoin. On pourrait imaginer un service dédié à l’accompagnement des porteurs de projets…
J’attends beaucoup des propositions de Rezé Citoyenne sur la démocratie participative. Je serai attentif à sa mise en œuvre et à la mesure des résultats. Parce que les citoyens doivent être entendus sur leurs réalités quotidiennes… C’est comme ça que nous avancerons ensemble !