Rezé Citoyenne en dialogue sur l'agriculture urbaine

Entretien croisé avec Reno Geng-Ortoli (membre de Rezé à Gauche Toute) et Christian Leclaire (membre de Rezé Citoyenne), sur la place des espaces maraîchers en milieu urbain.

Reno Geng-Ortoli s’est installé il y a 9 ans dans l’éco-hameau « les petits moulins », lieu d’habitat partagé à la Trocardière. Il est instituteur à l’école Ange Guépin à Nantes à 3/4 temps, et ouvrier agricole le quart-temps restant.

Christian Leclaire a été quant à lui directeur de la protection judiciaire jeunesse et délégué du préfet pour les politiques de la ville durant sa carrière professionnel. Aujourd’hui retraité, il consacre son temps en tant que bénévole à l’association Aviland, qui élève des volailles et produit des œufs bios.

Au « chemin du Clos de la Fontaine », à Bouguenais, à quelques centaines de mètres de la frontière rezéenne, où ils sont « voisins de terre », la vie fourmille et les exploitants des lieux ne manquent pas d’idées !

Vous vous croisez régulièrement au Clos de la Fontaine… Comment cela a t il commencé ?

C.L. : Cet espace agricole de dix hectares, au départ, c’était des vignes… Puis ça a été parcellisé. C’est aujourd’hui géré par l’Association foncière d’aménagement foncier agricole et forestier, composée pour partie de la municipalité et pour partie des propriétaires agricoles. L’association d’élevage de volailles « Aviland », pour laquelle je suis bénévole, en est un des locataires-exploitants. Nous fournissons des amap de l’agglomération nantaise, et des marchés. Nous disposons aujourd’hui de quatre hectares.

R.G-O : J’ai été salarié en tant qu’ouvrier agricole dans l’exploitation maraîchère bio « L’escarbote », dirigé par Emmanuel Louzier, pendant quelques années, sur le site du Clos de la Fontaine. Les terres de l’Escarbote appartenaient d’ailleurs au départ, pour la petite histoire, à Aviland… Aujourd’hui, je suis toujours sur ces terres, mais je ne suis plus salarié de l’Escarbote. Je travaille en tant qu’encadrant avec le supermarché coopératif Scopéli au projet de la « ferme des mille bras ». L’Escarbote nous a cédé 5000 mètres carré de terrain, sur lesquels nous expérimentons des pratiques innovantes telles que la permaculture, et que nous exploitons plus traditionnellement en bio sur une autre partie. Nous partageons avec Emmanuel Louzier nos forces vives, nous intervenons en soutien auprès de lui quand le besoin s’en fait sentir, il nous met à disposition son matériel, nous partageons les résultat de l’exploitation. Notre partenariat en est au stade de l’expérimentation…

Pourriez vous nous en dire plus sur le projet « la ferme des mille bras » ?

R.G-O : L’idée est de générer en direct l’apport d’une bonne partie des légumes vendus à Scopéli, en faisant participer des vacataires du supermarché coopératif. La « ferme des mille bras » est née au sein de « la cantine des colibris et des faizeux », qui réfléchit et met en place des solutions pour rendre les produits alimentaires biologiques accessibles au plus grand nombre. La partie de la ferme domiciliée à Bouguenais est déjà opérationnelle. Mais d’autres terrains sont en négociation… C’est le début de l’aventure. Pourquoi pas à Rezé ? Il y a un peu de potentiel en terres agricoles…

De quelle façon concevez vous votre « voisinage productif » ?

C.L. : La proximité entre nos différentes exploitations nous permet de mutualiser certains services. L’Escarbote nous aide à labourer nos terres, nous n’avons pas le matériel nécessaire pour ça. En contrepartie, nous les fournissons en fumier de poules, qui est un engrais fertilisant. C’est le principe de la permaculture. Tout est réutilisé. Nous travaillons avec ce qui nous entoure. Les genêts, par exemple, séchés, serviront de tuteurs pour les légumes.
Il reste cependant des terres en friche, inutilisées, autour de nous. Le bois attenant, lui, est prêté à un producteur de miel, et donne « le miel du clos de la fontaine ». Mais le lien entre les exploitations pourraient être encore plus grand ! Nous pourrions envisager de « prêter nos poules », qui, en les laissant quelques temps dans les champs, les entretiendraient, les prépareraient.

Comment pourrait se développer, selon vous, les différentes facettes de l’agriculture urbaine ?

R.G-O : Les endroits dédiés à l’agriculture urbaine peuvent être des lieux de rencontre entre les consommateurs des villes et les producteurs des campagnes, pour faire découvrir la réalité de la production, et pourquoi pas former des bénévoles. Ils favorisent aussi les actions éducatives, il est facile de les rejoindre en transport en commun pour les écoles par exemple.

C.L. : Des terres, pilotées par la ville, pourraient être vecteur d’insertion, fournir des denrées premières aux cantines scolaires, et accueillir une ferme pédagogique… Dès lors qu’une ferme « vit » réellement, c’est à dire qu’elle est en activité, il devient intéressant d’y accueillir des enfants. Je me méfie des fermes pédogogiques « vitrine », proche de l’idée du zoo ! Il faut que l’on puisse découvrir le travail des exploitants. Pendant le confinement, beaucoup de gens du coin sont venus nous voir sur nos exploitations, en famille, avec un réel intérêt pour notre travail. En plus, ici, nous avons un poney, un bouc, les ruches, les poules… Preuve que l’agriculture urbaine sensibilise petits et grands.

R.G-O : Un des principes de la permaculture, c’est d’utiliser peu de place pour produire autant que les grands espaces. On peut tout à fait imaginer qu’un agriculteur pratiquant cette nouvelle méthode, appelée micro-maraîchage, puisse se dégager un salaire avec uniquement 1500 mètres carré de terrain. L’agriculture agro-forestière, sur le même principe, permet d’utiliser un espace pour plusieurs cultures : un verger, par exemple, peut tout à fait accueillir une activité de maraîchage, en faisant bénéficier aux plantations des bienfaits des fruitiers, qui nourrissent le sol.

Les productions maraîchères évoluent… vers le meilleur côté des circuits courts : trouver les solutions pour rendre productives les terres les plus proches de chez nous !